Pierre de Saint-Pastou « Sortez vos bouteilles ! »

Pour Pierre de Saint-Pastou, producteur à Castex d’armagnac, les modes de consommations évoluent. Les consommateurs aussi. Rencontre.

 

Je suis très heureux de voir que dans cette tendance « craft », qui entoure aujourd’hui l’armagnac, de nombreux jeunes se lancent ou reprennent une activité armagnac », avance Pierre de Saint-Pastou du haut de ses quarante ans et donc pas forcément encore du côté des plus anciens. « Quand je pense qu’il y a quinze ans c’était la désolation autour de nous. On arrachait les vignes, les nombreux alambics que l’on comptait autour de Monguilhem avait bizarrement disparu. Nous étions au bord du précipice. »

« Je n’ai pas oublié ma première foire, poursuit le Bas-Armagnacais. J’avais vingt-six ans. En face de mon stand des vignerons vendaient des vins, très chers. Moi je ne vendais que très peu d’armagnac. Et eux me lançaient : qu’est-ce-que tu t’emmerdes à brûler du vin ? » Quinze ans plus tard le (toujours) jeune Armagnacais observe « une attirance pour les spiritueux, et notamment pour notre eau-de-vie gasconne, de la part de la nouvelle génération. On a encore du boulot mais il se passe quelque chose. Je me réjouis d’être écouté par les consommateurs, par les partenaires financiers. Parce que faire confiance à quelqu’un qui vous demande vingt ans pour élever un produit… , ce n’est plus très courant.»

« Oui, je suis heureux de faire partie de cette génération qui, finalement, poursuit l’aventure de nos parents et grands-parents. » Pour autant Pierre de Saint-Pastou mesure le chemin à parcourir pour faire évoluer, en particulier, les modes de consommation. « Je dis souvent qu’il faut avoir moins de respect pour l’armagnac. Il faut arrêter de le garder dans une armoire pour des journées exceptionnelles. Sortez vos bouteilles et faîtes-vous plaisir. »

« L’avenir passent par la mise en avant de nos spécificités mais aussi par un travail ensemble, analyse Pierre de Saint-Pastou. Et l’excellence doit rester la règle. Quant aux marchés, ils sont d’abord, à mon avis, dans l’Hexagone. Bien sûr, comme beaucoup j’ai des clients chinois. C’est bon pour la trésorerie. Mais nous ne sommes pas assez présents dans notre propre région. Il n’y a pas très longtemps, je faisais déguster un millésime 1968, celui du grand-père, à une jeune femme au Pays basque. Elle m’a répondu, « c’est bon, on dirait du Pacharan ! » Sur le coup je suis devenu tout rouge. Et puis j’ai compris qu’il était important d’être fier à ce point de ses produits. Le Gersois, le Landais, doivent être fiers de l’armagnac. »