Le calvados Boulard s’offre l’armagnac Janneau

Les emblématiques calvados Boulard ont racheté la maison Janneau, fleuron de l’armagnac. Avec l’ambition de redorer son blason et de rajeunir son image et ses produits. Rencontre avec Vincent Boulard

« La principale erreur serait d’enfermer l’armagnac en l’identifiant comme la boisson des mousquetaires. Il faut aller de l’avant. » Le constat tranche comme une fine rapière. Il est signé Vincent Boulard, descendant de la famille qui en 1825 créa le Calvados éponyme. A 58 ans, le Normand est chargé des relations presse et publique pour le groupe Spirit France, nouveau propriétaire de la Maison Jeanneau, marque emblématique de l’alcool brun gascon, elle aussi fondée au milieu du XIX è siècle à Condom. Vincent Boulard fait donc parti des nouveaux venus en Armagnac. Avec une besace particulièrement riche et des ambitions à la hauteur de la réputation de Janneau.

A l’instar de la maison condomoise, le Calvados Boulard, entreprise familiale, connu un réel changement dans les années 80. « Il devenait nécessaire de faire entrer de nouveaux actionnaires, raconte Vincent Boulard. En 1987, nous étions rachetés par Martini/Rosso qui acceptait la transaction à la condition que je reste et développe l’export. » Du haut de ses 30 ans, le jeune commercial  fit de ce Calvados un des pionniers à l’export. Mais Boulard est trop petit dans le porte-feuille de Martini qui le cède à un groupe d’investisseurs privés français. Vincent Boulard est encore à la manœuvre. En 1998 ce groupe privé rachète Père Magloire à LVMH , puis Lecompte, un troisième Calvados en 2007. Vicissitude des marchés, nouveau changement d’actionnaires et toujours Vincent Boulard dans le coup. Son savoir faire commercial et marketing fait de lui la pierre angulaire de ce groupe.

Nouvelle façon de distiller ?

« Très bien placés sur le marché du Calvados, nous nous sommes intéressés plus largement  aux spiritueux haut de gamme, explique Vincent Boulard. Et ainsi naquit Spirit France, un nom avec la caution d’un pays référent sur les alcools. « A côté du Cognac, existent d’autres spiritueux, plus petits, mais de véritables pépites  à la condition que l’on sache en parler au consommateur du XXIè siècle», glisse le quinquagénaire. Voilà comment Spirit France s’est offert l’armagnac Janneau. « Bien sûr que nous connaissions cette Maison en tous points semblables aux nôtres et confronter à des difficultés que nous avons prises à bras le corps il ya quinze ans. » Explications. «  Les alcools de grains ont imité les cognacs en allant chercher des arômes issus du bois. Avec le Calavados nous avons opté pour une stratégie de sublimation des matières premières.  C’est la même chose pour l’armagnac qui souffre des ghettos du digestif, poursuit Vincent Boulard. C’est un produit magnifique qui doit évoluer sur quelque chose de plus frais, de plus floral. » Et Spirit France a sa recette que le groupe dévoilera très prochainement.

Quelques indiscrétions conduisent vers une nouvelle gamme issue d’une double distillation, dans un souci de privilégier le fruit. Une modernisation des pratiques de distillation serait aussi dans les cartons. De nouvelles pratiques dans le but, comme une grande majorité d’Armagnacais aujourd’hui, « d’aller vers de nouveaux consommateurs. A côté du terroir, du savoir-faire ancestral, des millésimes sublimes, adoptons produits et marketing », lance Vincent Boulard. Une double distillation pour une double stratégie : faire cohabiter des eaux-de-vie exceptionnelles avec de jeunes armagnacs à décliner à l’envi.

Un beau chantier pour Spirit France qui distribue également des rhums et cognacs et désormais propriétaire d’une marque armagnacaise toujours leader à l’export mais dont la notoriété dans l’Hexagone reste trop confidentielle.  La Maison Janneau, fleuron de l’armagnac, retrouve un groupe français ambitieux après avoir navigué plusieurs décennies sous pavillon italien. Une nouvelle aventure, sans doute capitale pour l’entreprise condomoise, mais aussi pour l’appellation, tant Janneau demeure une grande dame respectée.

Octobre 2015