« L’armagnac va encore évoluer »

Nadège Fontan se bat depuis dix ans pour faire évoluer le regard porté sur l’armagnac. Et montre l’exemple en déclinant son eau-de-vie sur un mode plus branché.

« Cette année encore je vais réussir à louper les vendanges. L’année dernière j’étais partie le premier jour et rentrée le dernier ! » Nadège Fontan s’amuse de sa remarque. Pour autant, la jeune armagnacaise ne revient pas de quinze jours en mer des Caraïbes. Si elle saute d’un avion à l’autre, si elle quadrille les régions de France, c’est un cartable à la main garni d’échantillons de ses produits en guise de crème solaire. « Je passe beaucoup de temps à visiter les cavistes  et nos clients », lâche-t-elle. Alors que Sylvain, son frère -avec qui depuis dix ans elle gère les destinées de la propriété familiale- apporte le plus grand soin à ses raisins et ses premiers jus, l’aînée des Fontan poursuit sans relâche sa quête de nouveaux marchés.

Avec cette question lancinante : « comment parler de l’armagnac aux générations actuelles, comment bousculer les idées reçues qui entourent nos produits ? » Une interrogation partagée par une grande partie de la profession, notamment chez les plus jeunes producteurs et négociants. Nadège avance quelques éléments de réponse. « J’ai choisi de porter mes efforts auprès des cavistes chez lesquels les rayons de spiritueux sont de plus en plus fournis. Preuve que la demande est là. Dans cette offre, à nous de trouver les moyens d’installer l’armagnac aux côtés des whiskys et rhums. » Là encore, Nadège Fontan mitonne une recette qui donne déjà des résultats encourageants. « Mon frère Sylvain a inventé un armagnac à boire à l’apéro. Une eau-de-vie jeune, très fruitée et aromatique, que l’on consomme avec des glaçons. » Nom de code : De feu et de glace.

Second souffle pour l’or brun

Cette nouvelle approche, ce positionnement différent de l’armagnac, passe par  « beaucoup d’explications et de dégustations », selon l’Armagnacaise de Noulens. Ce chemin emprunté, les réactions sont intéressantes. « Le consommateur est surpris, bousculé, il (re)découvre des arômes qu’il n’imaginait pas dans l’armagnac. » Souvent une première rencontre avec ce spiritueux, porte ouverte à un apprentissage jusqu’au plus vieux produits gascons. Mais le produit rajeuni  ne suffit pas, selon Nadège Fontan qui opte dans le même temps pour un effort de packaging. D’où le flacon plus tendance pour asseoir ce positionnement.

Alors quid de la bouteille dite « basquaise », attachée depuis des décennies à l’image de l’armagnac ? « Difficile de la jeter aux orties, sourit la jeune femme. Beaucoup de touristes et clients nous la réclament, où la ramènent en souvenir comme on achète des nougats à Montélimar. Mais elle tend à laisser place à des flacons plus contemporains et des carafes stylisées. »

Nadège Fontan en est convaincue, « l’armagnac va encore évoluer ». « Depuis dix ans nous progressons régulièrement et les spiritueux redeviennent tendance. Si les Armagnacais réalisent -il me semble que c’est le cas aujourd’hui- qu’ensemble nous devons faire évoluer le regard sur notre eau-de-vie, alors nous connaîtrons des lendemains réjouissants. »

A écouter les nouveaux venus dont l’essence est de bousculer les idées reçues, les quadras armagnacais, telle Nadège Fontan, devraient trouver des alliés objectifs dans cette ambition d’offrir un second souffle à leur or brun.

 

Octobre 2015