Et voilà Belloya !

Une nouvelle marque d’armagnac lancée par Michel Janneau, enfant de l’eau-de-vie gasconne. L’ancien propriétaire de la Maison condomoise, présente sa première sélection

Belloya ! Trois syllabes qui claquent comme une pelote frappée à main nue face au fronton d’Hasparren, à moins que soit celui d’Ainhoa. Les syllabes d’un prénom basque, celui de l’épouse de Pierre Janneau, cet entrepreneur arrivé en Armagnac au début des années 1830, attiré par les promesses d’une eau-de-vie gasconne consommée, déjà, loin de son terroir.
Pierre Janneau fait ses premières armes de négociant à Lavardac. Puis, très vite, il remonte la rivière Baïse, pose ses fûts sur le port de Condom et installe, à trois cents mètres des berges, sa Maison. Nous sommes en 1851, l’histoire de l’armagnac Janneau est née. Mais Pierre n’imagine pas un instant que près de 170 plus tard, son portrait, ce visage flanqué de favoris, trônerait encore sur des flacons d’armagnac, ici et dans le monde, signature d’une histoire que la marque n’a effacé malgré les vicissitudes d’un siècle et demi de commerce.
Michel Janneau contemple cette histoire. Comme une œuvre de Vélasquez dont le sujet serait l’ancêtre Pierre. Une peinture baroque et poétique à la fois. Un sentier romantique sur lequel Michel, le fils de Pierre Janneau (le Pierre de la quatrième génération) s’engouffre, porté par un souffle de nostalgie qu’il érige en valeur cardinale.
Son moteur est la nostalgie. Michel Janneau le revendique. Et le dit avec ses mots : « la nostalgie de cette fierté, unique, d’apercevoir sur l’étagère d’un bar ou dans le chariot d’un restaurant, une bouteille d’armagnac portant notre nom et, en médaillon, le portrait un peu austère de notre arrière-arrière grand-père, le créateur de l’armagnac Janneau. »
Comment pourrait-il en être autrement. Gamin, il jouait en cachette dans les caves de la Maison sans comprendre véritablement comment les anges, la nuit, arrivaient à chiper quelques volumes d’eau-de-vie. Le Bac en poche, et pour faire plaisir à son père, il file à Paris préparer le concours d’entrée à Polytechnique. Sans succès. Lui, c’est plutôt l’économie politique qu’il pousse jusqu’à l’agrégation et des premiers cours qu’il ne distillera pas longtemps. « En 1975 mon père sifflait la fin de la récréation et me réclamait à ses côtés », se souvient Michel Janneau. Retour à Condom. Michel devient le directeur commercial, l’entreprise est à son apogée, Janneau est un des leaders de l’armagnac, à l’export notamment.
Et qu’importe si la suite fut plus douloureuse avec l’arrivée de nouveaux actionnaires et les ventes successives de la Maison Janneau, passée sous pavillon américain, italien, russe. La marque, le nom, la renommée des produits, l’histoire de la famille, nourrissent toujours la nostalgie de Michel. Une nostalgie qui ne serait rien sans cette passion pour l’armagnac que le Condomois a eu l’excellent goût d’apporter en héritage à ses trois fils.
Laurent et Pierre en Californie où ils vivent, Alex installé à Amsterdam, vibrent tout autant que leur père à l’évocation de l’histoire familiale. Chaque fois qu’ils tombent sur une bouteille Janneau, ils jouent de l’instantanéité des réseaux sociaux pour expédier un clin d’œil à leur père.
C’est d’ailleurs ensemble, dans un restaurant de Los Angeles, que l’idée folle a germé. « Mes fils ont été les premiers à en parler avec émotion, raconte Michel. Leur discours était énergique et clair : nous étions quatre Janneau, bien assez pour donner suite à un passé de près de deux siècles en créant un armagnac et la chaumière dont il serait issu. » Entre défi et folie, le projet était sur la table.
Quelques mois plus tard, ce défi est relevé. « Je décidais de récompenser le patriotisme armagnacais de mes fils », s’amuse l’ancien directeur général adjoint du Champagne Louis Roederer. Sous quelle forme ? Sans doute l’idée de reconquérir la Maison créée par l’ailleul Pierre a-t-elle traversé l’esprit de Michel Janneau. L’actualité n’y est pas favorable. Pas plus, à ses yeux, que de racheter une autre Maison. Restait finalement une démarche plus en phase avec sa personnalité : « signer quelques-uns des meilleurs armagnacs, évidemment rares. Car nous n’avons pas le temps de vieillir des eaux-de-vie, poussée par notre enthousiasme notre affaire est pressante. »

L’armagnac n’est jamais aussi fort que de ces initiatives, de ces enthousiasmes, de ces passions, fussent-ils saupoudrés de nostalgie.

C’est alors que des amis de longues dates de la famille Janneau « nous ont ouvert les bras et fait découvrir une magnifique collection de bas-armagnacs constituée au fil de leur propre histoire. »
Si le romantisme de Michel Janneau n’a pas résisté à la réalité du temps, celui nécessaire à l’épanouissement des eaux-de-vie, il trouve un extraordinaire moyen de s’exprimer à travers les armagnacs proposés. « Nous avons été invités à choisir et signer nos engouements, et c’est en goûtant ces merveilles que nous avons composé la première gamme du Bas-Armagnac Belloya. »

Le nom est lâché. Dans quelques mois, la marque de l’armagnac sélectionné et commercialisé par Michel Janneau et ses fils, racontera l’histoire de cette femme. Belloya, épouse de Pierre, créateur de l’armagnac Janneau. Pas une épouse dans l’ombre, mais « une femme impliquée dont le rôle fut considérable dans l’histoire de notre famille, par sa dévotion à la cause de l’armagnac et son sens de la dégustation. »
L’armagnac Belloya arrive. Sans esprit d’une quelconque revanche portée par une nostalgie destructrice. Celle que respire Michel Janneau n’est que passion. « A nous, les débutants riches d’une belle histoire, il ne nous reste plus qu’à réaliser nos ambitions, en veillant au respect de notre style, c’est à dire à l’intelligence du sourire. »
Tout en finesse et poésie, Belloya et son créateur vont enrichir la palette armagnacaise. Avec la discrétion du petit nouveau, l’envie de se prouver que le pari n’est pas si fou, le besoin d’écrire avec ses mots et sa sensibilité quelques pages de plus sur le livre familial ouvert au XIXè siècle. Et tant mieux si le prénom basque réussit à se faire un nom.
L’armagnac, lui, ne se plaindra pas d’accueillir ce petit nouveau. Il n’est jamais aussi fort que de ces initiatives, de ces enthousiasmes, de ces passions, fussent-ils saupoudrés de nostalgie.

Une première gamme Belloya
La marque Belloya arrive sur le marché (cavistes, restaurants, hôtels, mais aussi à l’export) avec cinq eaux-de vie. L’entrée de gamme est baptisée l’Eloquent, un assemblage de 6 ans d’âge. Puis les 15, 25 et 40 ans. L’Erudit, comme son nom de baptême le laisse entendre, s’adresse aux palais avertis, il est issu d’armagnacs rares.